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Gabriel Féraud

Interview de Thomas Cazals

Interview de Thomas Cazals recueillie par votre serviteur
aux Utopiales 2007
 

Thomas Cazals était cette année un des membres du jury décernant le Grand prix de la compétition internationale. Mais il est aussi le réalisateur d’un court-métrage, hors compétition cela va sans dire, véritable petite merveille sur la vie d’un auteur que l’on ne présente plus: J.G. Ballard.

LeFantastique.net: Bonjour Thomas Cazals, pourquoi avez-vous réalisé un court métrage sur J.G. Ballard, intitulé J.G. Ballard, l’Oracle de Shepperton ?
Thomas Cazals: C’est venu d’un précédent film que j’avais fait sur Philip K. Dick, Adickted. En discutant avec des amis on s’est dit que le dernier grand monstre vivant c’était Ballard et qu’il fallait faire quelque chose sur lui. Au départ on voulait faire un site Internet avec des chats bots, sorte de robots virtuels, textuels, avec qui tu peux discuter. On voulait intégrer des saynètes vidéos. Voilà pourquoi le film est un mélange d’images: archives tirées d’Internet, morceaux de fictions et vrais documentaires. Je voulais un film qui n’appartienne à aucun genre, un film un peu bizarroïde.

Pourtant Ballard a dit qu’il ne faisait plus de Science-Fiction.
Pour moi, faire de la Science-Fiction ce n’est ni plus ni moins que de travailler sur la réalité d’aujourd’hui. Il ne faut pas croire que la S.F. ce ne sont que des vaisseaux spatiaux. Le dernier K. Dick qui est ressorti n’est pas classé "S.F.". À quel moment la réalité s’effondre-t-elle pour laisser voir autre chose ?

Dans ton film, l’aspect documentaire est présent avec des citations de Ballard. Qu’as-tu utilisé pour te documenter ?
Ballard a écrit deux autobiographie romancées. Il y a l’Empire du Soleil qui a donné le film de Spielberg et la Bonté des femmes, où il raconte sa vie à Shepperton. J’ai utilisé ces deux romans pour y trouver des moments clefs. J’ai raconté sa vie en piochant dans ces livres mais ce qu’il raconte n’est pas forcément la vérité. Pour mon film, je me moque de savoir ce qui est vrai ou faux.

J.G. Ballard est-il au courant de ce film ?
Ce film est une non-rencontre. Au début du film, j’ai une discussion avec Ballard au téléphone, dans une cabine téléphonique de Shepperton. Et ça c’est réellement passé comme ça: il m’a jeté. Je n’ai pas eu le culot d’aller frapper directement chez lui. Cela faisait un an qu’on essayait de savoir s’il accepterait ou non une interview. Il ne répondait pas vraiment. Il a même envoyé une fois un mail étrange, plein de fautes, comme écrit par un enfant. Je suis parti à Shepperton avec ma caméra. Je l’appelle, il refuse. J’avais deux jours à passer à Shepperton. J’étais coincé là-bas dans une ville où il n’y a rien à faire. On le voit dans le film. J’ai interrogé les gens sur place. Connaissent-ils Ballard ? Il n’y a aucun livre de cet auteur à la bibliothèque. Qu’est-ce que la vie à Shepperton ? C’est une ville cernée par l’autoroute. Bon, y a des studios de cinéma pas loin mais cela n’a aucun impact sur la ville. J’ai filmé ce que Ballard peut voir quand il fait un break à midi et qu’il se balade. Je voulais faire un documentaire classique. En refusant Ballard m’a obligé à réagir. Il n’avait pas envie de me voir, c’est sa vie privée, point final. Toute la partie voix off dans le film, c’est une interview que j’ai faite il y a cinq ans pour un magazine. Ballard récupère même des paragraphes de ses romans pour faire des interviews ! Il est dans l’autocitation. Le gars, ça fait cinquante qu’il est à Shepperton !

Donc tu as réalisé un non-documenaire, un non film de science-fiction ?
J’ai utilisé Shepperton comme un décor de SF, faisant de ses habitants des personnages. Dans un documentaire classique, ces individus n’auraient pas eu la même épaisseur. La maison que l’on voit est la vraie maison de Ballard, d’où jaillissent ses ondes oniriques.

En plus de ton tournage à Shepperton, tu as visionné beaucoup d’archives ?
Oui, il y en a pour deux ans de montage. J’ai deux cents heures d’archives pour un court de 40 minutes. Pour la recherche d’archives, je n’ai travaillé que par mots clefs, via l’Internet. Comme travaille un écrivain, comme travaille Ballard, un homme qui ne bouge pas de chez lui. C’est aussi une question de budget ! En fait, on aurait aimé tourner les scènes de fiction à Dubaï, car c’est une ville comme Ballard a pu en imaginer. Dubaï c’est la cité du "futur", ils construisent là-bas des choses fantasmatiques !

Tu es à la recherche de diffuseurs ?
En effet. Le projet n’ayant pas été pensé avec une maison de production, le projet étant le fruit d’une non-rencontre, je suis en pleine recherche. Ce n’était pas une logique de studio. Parallèlement, on continue de travailler sur le site Internet et celui-ci ne va pas tarder à voir le jour.

As-tu d’autres projets en cours ?
Oui, je travaille sur le désir de quitter la terre. Je prépare un film sur ce sujet. J’ai interviewé Anousheh Ansari qui a payé 20 millions de dollars pour se balader dans l’espace à bord d’une fusée Soyouz. Des gens aujourd’hui ont l’envie et l’argent et mettent en place les moyens de partir. Dans l’espace rien n’est vraiment légiféré. Le traité de la Lune, qui la définit comme n’étant à personne, n’a pas été signé par la Chine ou les Etats-Unis. On peut imaginer plein de choses à partir de là.

Propos recueillis par Gabriel Féraud

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